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Pour Macron, la dette grecque doit être renégociée. Par Richard Werly Le temps 7/09/2017

12 Sep 2017
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Priorité: ne pas «braquer» Angela Merkel et son puissant ministre des Finances, Wolfgang Schaüble. Dès ses premiers entretiens à Athènes, où il a prononcé jeudi un discours sur la démocratie et l’Europe sur la colline boisée de la Pnyx, face à l’Acropole, Emmanuel Macron a confirmé à ses interlocuteurs grecs qu’il n’avait pas changé de position.

Comme conseiller à l’Elysée à partir de juin 2012, puis comme ministre, le chef de l’Etat français a toujours plaidé pour une restructuration (le fameux «haircut») de la dette publique grecque, qui se maintient depuis 2011 à plus de 170% du produit intérieur brut, aux alentours de 350 milliards d’euros. Son point de vue, selon son entourage, reste inchangé: «C’est la position de la France. Elle est connue. Il faudra mettre le sujet sur la table et l’aborder avant l’été 2018, qui marquera la fin du troisième plan d’aide européen», confirme-t-on à l’Elysée.

Le choix de se rendre à Athènes pour une visite d’Etat de deux jours entre, sur le papier, dans le cadre de la tournée de l’Union européenne (UE) qu’Emmanuel Macron effectue depuis le début de l’été. En Bulgarie, en Roumanie, en Autriche et au Luxembourg, le président français a surtout parlé de la directive sur les travailleurs détachés dont il exige la révision, pour mettre fin aux sociétés «boîtes aux lettres» est-européennes qui abreuvent le marché du travail français d’employés qualifiés sous-payés.

Ne pas gêner Angela Merkel

L’autre sujet central des propositions de Paris pour relancer l’Europe a en revanche été mis de côté, pour ne pas gêner Angela Merkel, en pleine campagne électorale, jusqu’aux élections allemandes du 24 septembre. Il s’agit de la gouvernance de la zone euro et de la dette grecque. Des propositions sur ces deux sujets devraient être formulées par Emmanuel Macron d’ici à la fin septembre, avant le sommet de l’UE sur le numérique à Tallinn le 29 septembre et le prochain Conseil européen des 19 et 20 octobre 2017.

Sur la dette grecque, Paris estime que le moment est mûr pour bouger. «On a de plus en plus confiance sur la reprise de l’économie grecque et sur la capacité du pays à passer à quelque chose de nouveau. Nous n’avons pas de raisons de penser que le plan grec va déraper dans cette dernière ligne droite. Il est de l’intérêt collectif que les autorités helléniques puissent passer à une nouvelle phase», souligne-t-on à l’Elysée. Le troisième plan d’aide grec, approuvé en mai 2016, porte sur un montant total de prêts de 10,3 milliards d’euros, dont le versement a été achevé en juillet par le Mécanisme européen de stabilité basé à Luxembourg.

Se protéger des racheteurs extra-européens

La question qui pose problème aujourd’hui, pour aborder la réduction de la dette, est selon la France celle des «investissements stratégiques», un terme qui désigne le processus de privatisation et la revente d’actifs publics à des entreprises contrôlées par des puissances extérieures à l’UE telles que la Chine. «Il nous faut maintenant d’urgence construire des consortiums européens pour éviter que l’on ne se retrouve devant une autre cession problématique, comme celle d’une partie du port du Pirée (rachetée en janvier 2016 par le géant Cosco) aux Chinois», plaide-t-on du côté français.

Le moment est parfait pour défendre devant les chefs d’entreprise allemands les réformes françaises du marché du travail

Parallèlement, le président français entend pousser les pions de sa réforme de la gouvernance de la zone euro, qu’il voudrait voir doter d’un budget propre et d’un «ministre des Finances», idée dont Angela Merkel a enfin accepté de discuter en juillet dernier. Le président français avait prévu de défendre cette idée vendredi soir à Evian, lors du dîner d’ouverture des rencontres économiques franco-allemandes qui se tiendront ce week-end, en présence du ministre français des Finances Bruno Le Maire.

«Le moment est parfait pour défendre devant les chefs d’entreprise allemands les réformes françaises du marché du travail», estime Christian Schubert, correspondant économique dans l’Hexagone de la Frankfurter Allgemeine Zeitung et auteur d’un essai sur le libéralisme à la française: Der Neue Französische Traum («le nouveau rêve français» – Ed. FA Buch).