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Athenes. GASPILLAGE ALIMENTAIRE - Solidarité et entraide entre Grecs. lepetitjournal.com/athenes. Mardi 29 août 2017

12 Sep 2017
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      Lessivés par une crise qui a parfois brisé leurs vies, les Grecs avancent à tâtons vers de nouvelles formes de solidarité qui concilient aide aux plus démunis et lutte contre le gaspillage alimentaire et la vie chère.
 

Derrière le marché central d'Athènes, Xenia Papastavrou vient en aide à cette Grèce déclassée qui fait la queue aux soupes populaires, en aidant à récupérer les invendus des magasins d'alimentation.


     "En juin, on nous a donné 3.000 kilos de melons, en août on a reçu 7.200 petits packs de lait", explique cette Grecque de 39 ans, dans ses locaux. Sur l'écran de son ordinateur défilent des adresses d'associations caritatives dans tout le pays, des flèches et des tableaux de chiffres compliqués.

     Son idée est pourtant des plus simples: mettre en relation les grands magasins, petites supérettes, cantines et restaurants qui ont des surplus et ces bénévoles qui manquent de tout pour distribuer des repas aux victimes de la crise.

     "Boroume!" (Nous pouvons" en français), l'organisation qu'elle a créée il y a trois ans, au plus fort de cette épuisante crise, participe ainsi à la distribution de 2.500 repas par jour aux plus démunis, de Thessalonique à Patras en passant par Athènes.

     Tous les jours, elle centralise les nouvelles offres de produits et trouve une association caritative proche qui a besoin de ces légumes, de ces pains ou "même de ces 12 tiropita (tourtes au fromage) restées invendues à la boulangerie du coin".

     "La Grèce est un pays qui jette beaucoup", explique-t-elle. "Dans les tavernes, si on n'a pas une pyramide de Khéops dans son assiette, un repas entre amis n'est pas réussi", ironise-t-elle.

     Mais la crise a fait changer les esprits dans un pays où plus d'un quart des gens sont menacés de pauvreté, selon les statistiques officielles.   

     Dans son épicerie solidaire du bouillonnant quartier d'Exarchia, Tonia Katerini dresse peu ou prou le même constat: "En Grèce, il y avait jusqu'ici l'idée que manger des produits de qualité, ça coûte cher et les Grecs étaient peu regardants à la dépense", souligne cette architecte indépendante qui consacre une dizaine d'heures par semaine à cette coopérative. Sur les étagères en bois, le riz, les lentilles rouges ou l'huile d'olive vendus en vrac sont proposés en moyenne "10 à 15% moins chers qu'en supermarché".

     Pour y arriver, l'épicerie coopérative Sesoula, comme les 11 autres qui ont fleuri à Athènes depuis que la Grèce est sous perfusion financière, se passe d'intermédiaires et négocie directement avec les producteurs.


     Cette idée est née il y a trois ans avec le "mouvement des patates". Des producteurs, mécontents des marges encaissées par les intermédiaires, se sont lancés dans la vente directe, jetant les sacs de patates des camions aux clients. A des prix imbattables.

     "La crise nous oblige à en finir avec le chacun pour soi pour réfléchir à ce que nous pouvons faire ensemble pour nous sortir du pétrin", souligne Mme Katerini.
La famille a constitué jusqu'ici le garde-fou contre la misère dans un pays où un quart de la population est au chômage.

     "Mais cela ne suffit plus", constatent les deux femmes. Quand la retraite des parents se retrouve encore amputée pour cause de nouveau plan de rigueur, quand le pécule économisé pour les coups durs s'épuise, "le collectif doit prendre le relais", poursuit Mme Katerini.


     Avec cette crise sans fin, les files d'attente aux soupes populaires se sont allongées: des personnes âgées, de plus en plus nombreuses, des mères, aussi, beaucoup. Certaines arrivent casserole à la main "pour faire croire à leurs enfants qu'elles ont préparé le repas et dissimuler ainsi un peu leur pauvreté", explique Mme Papastravou.   

     Dans le quartier de Zografou, ni huppé ni vraiment populaire, ils étaient 80 à venir à la soupe populaire il y a six ans. Ils sont 500 aujourd'hui.

     "Vous voyez comme c'est important de s'entre-aider collectivement", conclut-elle.

Source : Athènes AFP