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Défense de la prud’homie par Fredj TOUITOU 12/2014

14 Nov 2014
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Défense des prud’hommes ! Il y a urgence !
Exigeons maintenant le retrait du projet Macron et du pacte de responsabilité !

Vous trouverez ci-dessous une analyse des menaces et des remises en cause dont sont l’objet les conseils des prud’hommes, présentée par un syndicaliste, lui-même conseiller prud’homme. Chacun doit prendre la mesure de l’enjeu de l’offensive du MEDEF relayée sans délai par le gouvernement contre la justice prud’homale.

Tout salarié s’estimant victime d’une injustice ou d’un abus patronal dispose, grâce à une justice gratuite, la justice prud’homale, d’un recours pour faire respecter le code du travail et faire valoir ses droits.

Les articles L. 1411-1 et L. 1421-1 du code du travail définissent clairement le rôle et la place des prud’hommes : « Le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code (Il s’agit du Code du Travail NdR) entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.» dit le L1411.-1.

Le second article cité indique : « Le conseil de prud'hommes est une juridiction élective et paritaire. Il est composé, ainsi que ses différentes formations, d'un nombre égal de salariés et d'employeurs. » La composition paritaire du Conseil de prud’hommes garantit  à la fois que le recours du salarié sera examiné et qu’il sera jugé par ses pairs au regard du Code du Travail dont le conseil vérifiera la bonne application. Selon le ministère de la justice, au 31 décembre 2012, plus de 200 000 dossiers étaient en cours de traitement par les 210 conseils de prud’hommes.

Voilà ce avec quoi, les multinationales veulent en finir. M Gattaz, au nom du Medef, a demandé jeudi 30 octobre, que la France sorte de la convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail. Celle-ci fait obligation à l’employeur de justifier tout licenciement. Adoptée par l’OIT en 1982, entrée en vigueur en 1985, cette convention stipule qu’ « un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise ». M Gattaz  a argumenté ainsi « quand les dirigeants d’une entreprise peuvent embaucher, ils craignent de se trouver devant les prud’hommes s’il rompent le contrat./. Tant qu’on aura cette contrainte supranationale, peu importe le contrat, le fond du problème ne sera pas traité » L’objectif du patronat est clair : En finir avec toute règlementation pour faire place aux diktats de la course aux profits sans aucun recours pour le salarié.

Mais qui sont-ils, ces membres du gouvernement Hollande pour chaque jour, donner satisfaction au Medef !

Comment osent-ils  envisager de faire disparaître une institution qui depuis plus de 200 ans constitue un pan entier de simple justice ?

En effet le premier conseil des prud’hommes est né à Lyon en application de la loi du 18 mars 1806 ! Il est temps que soit mis fin à cette politique de soumission systématique au chantage du Medef !

Voilà  où mène l’austérité sans fin et son pacte de responsabilité ! Il y a urgence, Unité maintenant pour le retrait du projet Macron et du pacte de responsabilité !

Denis LANGLET

 

 

Les Conseils de prud'hommes (CPH) sont menacés.

C'est une attaque sans précédent que le gouvernement veut engager. L'offensive se concentre sur la suppression de l'élection des conseillers prud’homaux, l'obligation de médiation et la mise en place d'un échevinage.

De quoi s'agit ?

Le 14 octobre, sur demande du ministre du travail Rebsamen, le Sénat a voté en première lecture un projet de loi habilitant le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures pour instaurer un nouveau mode de désignation des conseillers. Le lendemain, le ministre de l'économie Macron annonce une réforme des prud'hommes : rénover la phase de conciliation, professionnaliser la procédure et la formation des conseillers ! Le porte parole de Mme Taubira déclare nécessaire une concertation préalable et un pilotage par son ministère, mais agir par ordonnance n'a qu'un objectif : agir dans l'arbitraire.

Arguant d'un coût élevé de l'organisation des élections (estimé à 91 millions d’euros, 4,77 euros par électeur inscrit) et d'une faible participation, le gouvernement a reporté, dans un premier temps, cette élection de 2013 à 2015.

Il vient de faire voter par le sénat une prolongation du mandat jusqu'en 2017 et la suppression de l'élection ! Début décembre, par ordonnance, le gouvernement devrait entériner ces dispositions avec un arsenal d'autres mesures visant de protections contenus dans le Code du travail.

Ainsi, un conseiller élu en 2008 pour 5 ans aurait un mandat de 9 ans par simple décision gouvernementale ! Il s'agit d'une atteinte aux élémentaires règles de démocratie. Si la faible participation à un scrutin justifie la suppression d’une élection, pourquoi ne pas supprimer celle du président ? D'autant plus qu'avec le financement des partis par l'Etat, la facture est bien plus salée. Et il en va de même pour d'autres élections, les européennes par exemple où le taux d'abstention bat les records. La suppression de l'élection dénature l'institution.

Quant à la faible participation aux élections prud'homales, elle est le produit d'une désorganisation, de nombreux obstacles, tout particulièrement dans les entreprises où le droit syndical est inexistant. Il faut bien mettre cela sur le compte de la volonté de dévaloriser l'institution et de réduire les protections contenues dans le Code.

Le gouvernement propose une désignation des conseillers en 2017 sur la base de la loi de représentativité syndicale de 2008. Or avec cette loi, qui a créé des déserts syndicaux, exclut des millions de salariés de toute représentation, particulièrement dans les petites entreprises. La collecte des résultats aux élections professionnelles est source d'anomalies et de nombreux contentieux. Enfin, si sur le plan syndical « coté salarié » des chiffres officiels ont été annoncés, nous laissant pour le moins perplexes, « Côté patronal», il n'y a rien pour le moment et on se demande bien de quel chapeau pourrait sortir sa représentativité. La légitimité d'un conseiller salarié sera-t-elle la même que celle d'un conseiller employeur ? Il s'agit bien de dénaturer l'institution.

Et les critiques pleuvent sur l'institution ! De 15 mois à  3 ans pour qu'une affaire soit définitivement jugée! Le taux de conciliation est très bas, les délais de jugements excessifs, le taux d'appel suite à jugement trop élevé, le départage serait un échec du caractère paritaire du conseil des prud'hommes.

Rapports à l'appui, l'institution séculaire devrait être réformée de fond en comble.

Nous avons eu droit au rapport Marshall, président de la cour d’appel de Montpellier, qui recommande, dans son rapport « Les juridictions du XXI e siècle », la mise en place d’une juridiction sociale unique composée de juges professionnels et non professionnels. En attendant sa création, il formule des propositions provisoires d’évolution concernant les conseils des prud’hommes (CPH) et les tribunaux des affaires de la sécurité sociale (TASS). Une recommandation : introduire l’échevinage en matière sociale. Ce rapport teinté de mépris à l'égard des conseillers a suscité le tollé général des organisations syndicales.

Dans la continuité, nous avons aujourd'hui le rapport Lacabarats (président de la chambre sociale de la cour de cassation) qui, tout en laissant un caractère paritaire de façade, répond à la commande du Ministère.

Le taux de conciliation serait de 5,5% en 2013.  Les parties en conflit se rencontrent devant les deux juges prud'homaux (conseillers) et une greffière pour tenter une conciliation. C'est la première étape avant un éventuel jugement.

Ce que l'on ne veut pas dire, c'est qu'une bonne partie des affaires introduites font l'objet d'un désistement avant cette réunion de conciliation (40% en 2012). Il arrive que certains se présentent à la conciliation pour dire qu'ils se sont mis d'accord. Cela relève légèrement (de l'ordre de 10%) le taux de conciliation. La base fondamentale du conseil des prud’hommes repose sur la recherche de conciliation : elle était estimée à 80% avant la seconde guerre pour n'atteindre que 10% aujourd'hui. Mais pour concilier, il faut le vouloir.

 Après avoir considérablement affaibli les règles protectrices en matière de licenciements collectifs et instauré le licenciement transactionnel, Gattaz, chef du Medef, propose de dénoncer la convention 158 de l'OIT qui implique de donner une justification au licenciement. Là, l'arbitraire serait total et  les prud'hommes réduits à pas grand chose parce que les demandes portées devant les conseils reposent très majoritairement sur la rupture du contrat de travail.  C'est donc dans ces situations extrêmes que se tiennent les conciliations auxquelles bien souvent l'employeur ne daigne pas même se déplacer. Son représentant (avocat), dossiers fermés, annonce ne pas vouloir concilier. Les grandes entreprises qui ont les moyens de tenir longtemps, espèrent renvois après renvois, jugements, appels, cassation, que le salarié abandonne la procédure. Et la loi du 14 juin 2013, consécutive de l'ANI de janvier signé entre le Medef et la CFDT,  dite « de sécurisation de l'emploi », en forfaitisant l'évaluation des préjudices liés au licenciement, a pour conséquence de réduire la place de la conciliation. A ceci s'ajoutent de nouveaux délais de prescription portant sur le droit d'agir en justice, réduits en 2008 (ANI) et considérablement aggravés avec la loi du 14 juin 2013.

Le rapport Lacabarat qui annonce un renforcement du bureau de conciliation, rebatisé « bureau de conciliation et d'orientation », vise dans les faits à évacuer les dossiers en orientant vers un juge professionnel conciliateur et/ou vers la médiation, que certains voudraient rendre obligatoire. La médiation est payante (jusqu'à 700 €).  Les Confédérations Ouvrières demandent le respect des textes : la mise en état des dossiers dès cette phase, une participation active dans la recherche d'un accord entre les parties et l'attribution des sommes dues non contestables, liées aux règles impératives du contrat.

Les délais de jugement sont trop longs.

Rappelons d'abord que dans 72% des cas le  bureau de jugement fait droit aux prétentions du demandeur, totalement ou partiellement. Ecartons une critique récurrente visant à dire que les conseillers seraient incompétents. Nous ne rentrerons pas dans le détail mais un chiffre suffit à démontrer l'inverse : 82 % des litiges sont tranchés par les conseillers prud'hommes sans avoir à recourir à un magistrat professionnel.

C'est trop long parce que 62 conseils de prud'hommes ont été supprimés sous Sarkozy, les personnels de justice dans ces tribunaux  (personnels administratifs, greffiers) ont été considérablement réduits, les moyens matériels (Code du travail,..) font cruellement défaut, les formations sont largement insuffisantes (six semaines sur 5 ans). Il existe des juges professionnels départiteurs auxquels il est fait appel lorsqu'en délibération les quatre conseillers n'ont pas pu se mettre d'accord (interprétation des textes, etc.) Mais là où l'on pourrait accroître considérablement la résolution des affaires en embauchant de tels juges, rien n'est prévu ! Et lorsque de façon systématique, il est demandé au tribunal de renvoyer les débats parce que l'objectif est de gagner du temps, comment s'étonner de l'engorgement des conseils ?

La solution miracle: l'échevinage !

Pour régler plus rapidement les affaires on prend un juge professionnel et on l'entoure de conseillers (si c'est deux, on divisera donc leur nombre actuel par deux !). C'est lui qui rend la justice, les conseillers se limiteront à donner un avis si on les y invite ! C'est d'ailleurs ce qui se pratique au Tass. Et dès lors, on comprend la proposition de fusionner le Tass et le CPH. C'est le fondement même de l'institution qui serait mis en cause. Il y a loin de la coupe aux lèvres, d'un strict point de vue du calcul du nombre de magistrats nécessaire à une mise en œuvre.

Aussi nous dirons que s'il s'agit d'accélérer les jugements(c'est à voir), c'est avant tout pour répondre aux exigences du capital !

Voilà comment M. Macron fait rédiger « la lettre n° 137 octobre 2014 trésor-éco » émanant des service des finances et de l'économie avec comme titre : « le traitement des litiges en droit du travail : constats et perspectives ».

« L'analyse économique a montré que l'existence de rigidités sur le marché du travail est susceptible d'avoir des effets défavorables sur la productivité en réduisant la capacité d'adaptation des entreprises au contexte macro économique. Par ailleurs, un droit du travail trop complexe et trop contraignant pourrait peser sur le taux d'emploi et favoriser la segmentation du marché du travail ».Tout est dit : les conseils de prud'hommes doivent être mis au pas. Une justice où dans huit cas sur dix, les salariés ont gain de cause : le capital n'en veut plus !

Même l'Europe est mise à contribution (extrait du rapport Lacabarat).

"Dans le cadre des travaux menés sous l'égide du Conseil de l'Europe, qui constituent une référence essentielle pour la protection des droits fondamentaux et la qualité des systèmes judiciaires, le rapport d'évaluation adopté au mois de décembre 2013 à Strasbourg par le Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO) recommande à la France de conduire une réforme non seulement pour les tribunaux de commerce, mais aussi pour les conseils de prud'hommes, "afin de renforcer l'indépendance, l'impartialité et l'intégrité des juges non professionnels"

Les conseillers prud'homaux, qui défendent les dispositions du Code du travail, font l'objet d'une attention particulière en matière de ...« corruption » !

Extrait du journal «Le Figaro ». « François Hollande avait à cœur, dimanche à l'Élysée, de rassurer les représentants d'entreprises internationales sur l'attractivité de la France et de lever les obstacles à leurs investissements dans l'Hexagone. Mission accomplie avec l'annonce de la suppression des peines pénales qui pèsent sur la tête des patrons en cas de délit d'entrave au droit syndical, à la mise en place et au fonctionnement des délégués du personnel et du comité d'entreprise. Des manquements aujourd'hui punis dans le Code du Travail d'une peine de prison d'un an et d'une amende de 3750 euros.» «Les peines pénales associées au délit d'entrave, qui parfois même pouvaient être des peines de prison qui n'étaient bien sûr jamais prononcées, mais qui néanmoins pouvaient inquiéter, seront remplacées par des sanctions financières», a précisé le chef de l'État en clôture du second Conseil stratégique de l'attractivité.»

Dépénaliser les atteintes aux droits syndicaux ! Syndicalistes ouvriers, on nous veut du bien !

Les organisations syndicales se sont exprimées. La CGT alerte : « le gouvernement veut supprimer les conseils de Prud'hommes » La CGT-FO dénonce :  « la remise en cause de la gratuité de la justice au bénéfice d’une véritable justice privée ;  - l’externalisation du contentieux des tribunaux de la République avec toutes ses conséquences notamment sur le principe du contradictoire, l’accès à un procès équitable... » Un premier rassemblement  a eu lieu le 1er avril dernier à l'appel des Unions Régionales Iles de France FO-CGT-FSU-Solidaires.

Il y a une force de milliers de conseillers dont le dévouement au service de la défense des droits, de la justice est considérable. Ils sont un facteur éminemment important dans la défense de l'institution face au gouvernement et au patronat.

Mais devant le danger, le rapport de force doit s'organiser dans l'unité la plus large. La défense des Prud'hommes c'est l'affaire de tous, de tout le mouvement ouvrier.

Cette contribution vise aussi à ouvrir le débat :

Nous vous appelons à apporter vos contributions à la Conférence du 17 janvier prochain à l'appel du comité national pour l'unité et la résistance.

Fredj TOUITOU

 

L'histoire des prud'hommes en quelques dates

XIème siècle : apparition du terme prud'hommes

1790 : Apparition d'un juge élu

1806 : Création du premier conseil de prud'hommes

1848 : Apparition du terme paritarisme

1853 : Transformation du conseil en juridiction échevinale sous contrôle du pouvoir

1880 : Retour à l'élection des présidents et vice-présidents

1907 : Mise en place d'une véritable juridiction sociale

1979 : Attribution de la compétence exclusive sur les contentieux individuels du travail

1982 : Achèvement de la généralisation territoriale et professionnelle

Les conseils de prud'hommes comptent parmi les plus anciennes institutions de notre organisation judiciaire, puisqu’on peut en faire remonter l'origine bien avant les jurandes, juridictions d'art et métiers de l'Ancien régime.

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XIème siècle : apparition du terme prud'hommes (Moyen-Âge)

Dans son Livre des métiers (1268), Étienne Boileau, prévôt de Paris, sous Saint Louis cite l'arbitrage des anciens, probi-homines, hommes prudes, ou prud'hommes à l'occasion des différends entre gens de métiers.

En 1296, Philippe le Bel crée des prud'hommes pour assister les échevins et le prévôt des marchands dans le contrôle des maîtres.

Sous l'Ancien régime, des conseils de prud'hommes sont présents au sein les corporations de métiers, composées de maîtres, de compagnons et d'apprentis. Élus parmi les maîtres, les prud'hommes désignent donc les défenseurs du métier, chargés de trancher les conflits entre leurs pairs avec pour mission principale la conciliation. Avant la Révolution, Lyon possède un tribunal commun chargé de la conciliation des litiges entre les fabricants de soieries et leurs ouvriers, qui servira d'ailleurs de modèle au législateur en 1806.

1790 : Apparition d'un juge élu (Révolution)

La loi des 16-24 août 1790 (titre III article 1)

  • supprime ces juridictions remplacées par des juges de paix ;
  • dispose qu'il y aura dans chaque canton un juge de paix élu au suffrage universel et des prud'hommes assesseurs au juge de paix élus au suffrage universel par l'assemblée primaire du canton, pour deux ans.

Juges de paix et prud'hommes ont pour mission la conciliation, avec compétence d'attribution en matière de paiement des salaires et d'exécution du contrat de travail : « Le paiement des salaires des gens de travail , des gages des domestiques, et l'exécution des engagements des maîtres et de leurs domestiques ou gens de travail, le paiement des salaires et l'exécution des obligations. »

1806 : Création du premier conseil de prud'hommes (Premier empire)

La loi du 21 germinal an IX

donne compétence aux autorités de police pour régler les différends entre employeurs et salariés. Cette solution est très critiquée et conduit l'Empereur, suite à la requête de la Chambre de commerce de Lyon et à la demande des fabricants de soieries (canuts), à instituer dans cette ville le premier conseil de prud'hommes.

La loi du 18 mars 1806 crée ainsi à Lyon le premier conseil de prud'hommes, sous forme d'instance de conciliation avec des juges élus (bipartisme mais les marchands ont un représentant de plus que les chefs d'ateliers/contremaîtres/ouvriers), bureau de conciliation et bureau de jugement.

Dès 1806, la conciliation est donc un principe fondamental considéré depuis par la jurisprudence comme étant l'essence même de la juridiction.

Un décret du 3 juillet de la même année prévoit l'établissement d'un conseil de prud'hommes « dans les villes de fabriques où le gouvernement le jugera convenable ». Par la suite, l'extension se fait lentement : 53 conseils de prud'hommes en 1830 et 71 en 1847. C'est en 1845 seulement que fut créé à Paris un conseil de prud'hommes pour l'industrie des métaux, l'une des sections actuelles de ce conseil de prud'hommes.

À noter : jusqu'en 1848, les conseils étaient en majorité composés de patrons.

1848 : Naissance du paritarisme (IIe République)

le décret du 27 mai 1848

  • étend le corps électoral à tous les salariés, y compris les ouvriers (à livret) ;
  • instaure le paritarisme entre employeurs et ouvriers dans toutes les structures des conseils (bureaux de conciliation et de jugement, formation de référé, chambres) et dans l'alternance de la présidence ;

1853 : Transformation du conseil en juridiction échevinale surveillée (IIe Empire)

La loi du 1er juin 1853 (Napoléon III)

  • instaure l'élection au scrutin par collèges ;
  • fixe des conditions restrictives d'âge et d'ancienneté pour l'électorat ;
  • décide que les présidents et vice-présidents sont nommés par l'administration, transformant ainsi le conseil en une juridiction échevinale sous contrôle du pouvoir politique.

1880 : Retour à l'élection des présidents et vice-présidents (IIIème République)

La loi du 7 juillet 1880

  • rétablit l'élection du président ;
  • décide qu'en cas de partage des voix, la voix du président est prépondérante.

La loi du 15 juillet 1905

  • précise qu'en cas de partage des voix, le juge de paix joue le rôle de juge départiteur ;
  • décide que le juge civil devient le juge d'appel (avant, c'était le tribunal de Commerce composé uniquement de patrons).

1907 : Mise en place d'une véritable juridiction sociale et réforme d'ensemble

La loi du 25 mars 1907

  • crée des sections (commerce, industrie) ;
  • consacre la règle de l'alternance (présidence assurée alternativement par un employeur et un salarié) ;
  • rend l'assistance juridique possible ;
  • étend le droit de vote et l'éligibilité aux femmes.

À noter : c'est en 1924 qu'une loi intègre les dispositions relatives aux conseils des prud'hommes dans le Code du travail.

La loi du 25 décembre 1932 crée des sections agricoles.

Sous la IVe République : la loi du 10 janvier 1957 porte sur les litiges intéressant les employées de maison.

Sous la Ve République : l'ordonnance du 22 décembre 1958 substitue, en matière prud'homale, le juge d'instance au juge de paix et la Cour d'Appel au tribunal civil.

1979 : Organisation uniforme des conseils de prud'hommes et extension de leur compétence à tous les salariés (réforme Boulin)

La loi du 18 janvier 1979

  • Généralise les conseils (généralisation territoriale) ;
  • Etend leur compétence à l'ensemble des différends individuels nés du contrat de travail (généralisation professionnelle) ;
  • Consacre le principe de juridiction élective paritaire avec alternance salariés/employeurs aux présidences et vice-présidences.
  • Crée une section encadrement pour les cadres et les salariés assimilés, relevant de conventions collectives particulières ;
  • Modifie le mode de scrutin (élections nationales des conseillers prud'hommes à la proportionnelle) ;
  • Rend obligatoire l'inscription sur les listes électorales.

À noter : Le greffe est assuré par des fonctionnaires du ministère de la Justice. Les dépenses de fonctionnement transférées à l'État sont gérées par le greffier en chef.

La loi du 6 mai 1982

  • Achève la généralisation professionnelle et territoriale ;
  • Supprime l'échevinage pour les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle ;
  • Adopte un véritable statut pour les conseillers (protection, indemnisation, formation) ;
  • Réduit les mandats des conseillers de six à cinq ans ;
  • Crée un Conseil supérieur de la Prud'homie.

La loi du 30 décembre 1986 prévoit que toute section ayant plusieurs chambres doit avoir une chambre compétente en matière de licenciement économique et étend la compétence aux conventions de conversion (article L.516-5 du Code du travail).