De quoi s’agit-il ? Premier exemple : la fiche de paie.
Le secrétaire d’Etat à la Réforme de l’Etat et à la Simplification a déclaré dans le mensuel « Enjeux les Echos » de novembre 2014 : « aujourd’hui, les fiches de paie sont anti démocratiques et anti pédagogiques. Les gens ne savent même plus pourquoi ils cotisent. Tout cela est illisible et doit changer. Nous présentons un premier bilan de la simplification et nous montrerons que les lignes de la fiche de paie vont être divisées par plus de deux » osant rajouter « il y a de la compétitivité à gagner. Soyons concrets, une fiche de paie coûte 20 euros par mois par salarié. Dans le reste de l’Europe, c’est seulement douze euros. La complexité coûte donc huit euros par fiche de paie aux entreprises. Si on parvenait à les simplifier, cela représenterait 1.5 milliard d’économie. »
2. L’origine de la complexité
Outre le côté fantaisiste de l’estimation par le secrétaire d’Etat du cout d’une fiche de paie, celui-ci aurait pu indiquer au lecteur.
Qui a imposé et pourquoi l’éclatement en cinq branches de la caisse unique de sécurité sociale telle qu’elle fut fondée par l’ordonnance de 1945 ?
Qui a exigé que les cotisations sociales soient partagées entre deux parts, une part salariale et une part employeur alors que ces deux parts, comme leur nom ne l’indique pas, sont payées toutes les deux par l’employeur ?
Pourquoi cette exigence patronale, si ce n’est pour permettre qu’à chaque augmentation de cotisations, le MEDEF exige que celle-ci porte essentiellement sur la part salariée, faisant amortir cette augmentation par le salaire net, qui sera diminué d’autant, le total (salaire net + cotisations) restant lui, inchangé.
Pour permettre ce subterfuge, il a fallu « inventer » le salaire brut qui correspond au salaire net additionné de la part salariale des cotisations sociales. Ce salaire brut n’a aucune réalité économique. Personne ne le touche, personne ne le verse. Par contre, il est bien l’expression que l’entreprise est le lieu dans lequel deux parties sont liées juridiquement par contrat, l’employeur et l’employé.
En effet l’existence d’un salaire brut a justifié à l’époque la présence de représentants du patronat au conseil d’administration des caisses de sécurité sociale, les représentants du patronat étant censés représenter la part patronale des cotisations.
On pourrait multiplier les exemples : à chaque fois, depuis 1945, la « complexification » est une des conséquences des remises en cause par le patronat de l’acquis social qu’est la sécurité sociale.
3. Au début de son existence, la fiche de paie comportait le montant du salaire direct, aujourd’hui salaire net, et le montant du salaire différé, équivalent au total des cotisations sociales.
Depuis 1945, date de création de la sécurité sociale, il y a eu près de 90 plans, lois, décrets ou ordonnances pour remettre en cause cet acquis ouvrier historique et universel qu’est la sécurité sociale.
Dans cette entreprise de démolition, le patronat a été la plupart du temps appuyé par les gouvernements. Ainsi, c’est le gouvernement Mitterrand/Rocard qui, au nom de l’allégement du coût du travail, a créé une ligne de plus sur la fiche de paie, appelée CSG qui elle-même n’est pas déduite à 100% du revenu fiscal, ce qui empêche d’avoir une connaissance immédiate de son propre revenu fiscal, si l’on ne connaît pas les subtilités du législateur de l’époque, préoccupé par l’impérieuse nécessité de camoufler ce nouveau prélèvement.
Rappelons que la CSG est un impôt, et qu’en aucune manière elle n’a à figurer sur la fiche de paie comme toute cotisation sociale.
Alors pourquoi y figure-t-elle ? Parce que le produit de cet impôt est à 87% à la charge des salariés (!) et pour faire croire qu’il s’agit d’une cotisation sociale et non d’un impôt.
4. Un avenir sombre pour la sécurité sociale
Le gouvernement actuel, au nom de la simplification, entend imposer le vieux rêve du patronat : Etre exempté de son obligation à verser les cotisations sociales appelées salaire différé, appelées aussi salaire indirect. En finir avec la sécurité sociale.
En effet le secrétaire d’Etat déclare dans ce même interview : « Nous avons en parallèle un calendrier de dix huit mois pour nous attaquer au regroupement des systèmes des collectes des cotisations. C’est un chantier lourd mais indispensable. »
La simplification annoncée est tout simplement la disparition de l’ACOSS, Agence Centrale des Organismes de la Sécurité Sociale dont la fonction de colleteur des cotisations sociales garantit le paiement par les employeurs de ces cotisations. Comment imaginer un seul organisme collecteur, sachant que la CSG est un impôt et donc, fait partie du budget de l’Etat, sachant que la quasi totalité des complémentaires santés sont des filiales de grands groupes privés tels AXA et GENERALI.
La simplification signifierait la privatisation de la Sécurité Sociale, c'est-à-dire la fin du seul régime au monde garantissant l’égalité des droits devant la maladie.
Décidément, le plus simple sera de se débarrasser le plus vite possible de ces simplificateurs.
Enfin, nec plus ultra, selon le secrétaire d’Etat à la Réforme de l’Etat et à la simplification, monsieur Thierry Mandon, dès le 1° janvier 2015 indique :
« Une autorité indépendante de contre expertise de toute loi nouvelle ou de tous nouveaux décrets sera mise en place. Celle-ci sera composée de neuf chefs d’entreprises qui vérifieront que toute nouvelle loi ou tout nouveau décret n’implique pas une augmentation des charges administratives, réglementaires ou financières pour les entreprises. »
Et certains prétendent que nous sommes en démocratie. Un peu exagéré ! De fait, nous sommes sous l’autorité de la direction du Medef.
Trappes Le 24.11.14